De l'autre côté de la machine

Chapeau
Voyage d'une scientifique au pays des algorithmes. C'est ainsi que se présente l'ouvrage d'Aurélie Jean, chercheuse et entrepreneuse dans un domaine vers lequel beaucoup de regards se tournent aujourd’hui. Docteure en sciences des matériaux et en mécanique numérique à Paris Tech1. Fondatrice et dirigeante de la société In Silico Veritas2 à New York, elle est spécialisée dans les algorithmes et en modélisation numérique (source: wikipedia).
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Effectivement, au regard de la trame du livre, il s'agit bien d'un voyage. Petit voyage dans le temps d'abord où elle présente l'Histoire des algorithmes dans leurs formes la plus ancienne, tels qu'utilisés et enseignés par Euclide ou Al-Khawarizmi. C'est ensuite un voyage le long de son propre parcours auquel nous sommes invités.

Elle nous présente sa rencontre avec l'informatique, que l'on pourrait qualifier de tardive au regard de l'image habituelle que l'on se fait du passionné, virtuose du clavier d'ordinateur avant même de savoir marcher. Elle insiste sur l'attachement à la science de sa jeunesse, lui ayant permis d'appréhender cette discipline plus facilement. Sa curiosité l'a poussée ensuite à explorer toujours plus de nouveaux horizons.

De l'autre côté de la machine, l'image faisant écho au miroir d’Alice au pays des merveilles, Aurélie découvre un monde où le virtuel se rapproche du réel jusqu'à parfois s'y confondre. Cette image nous suit tout au long du récit, où il sera question justement de modéliser le réel dans le but de mieux le comprendre.

Pour sa thèse, Aurélie raconte comment elle a construit, par tâtonnement successifs, un algorithme ayant pour but de reproduire la structure et le comportement du caoutchouc dans un environnement virtuel, pour les rendre les plus proches possible de ce que l'on observe dans un environnement réel.

De l'autre côté de l'atlantique, ses expériences la conduiront à rencontrer des domaines assez différents d'application de l'algorithmie, allant de la chimie à la médecine en passant par la finance. Elle acquiert au cours de son parcours et de ses expériences l'idée que "toute modélisation reste une approximation de la réalité". Pour Aurélie Jean également : "Tout algorithme dépend en partie de la vision du monde des individus qui le développe". Une anecdote intéressante témoigne du moment où elle a dû expliquer à ses collaborateurs de Bloomberg pourquoi il était risqué et incertain de vouloir modéliser la stabilité politique d'un pays en se basant entre autres sur les données remontées par les réseaux sociaux.

Ce voyage sera l'occasion de se confronter continuellement à ce qu'elle nomme son meilleur ennemi : les biais algorithmique. Ces biais sont les mécanismes de déformation de la réalité dont l'esprit humain est le seul responsable, mais que l'on retrouve ensuite dans les algorithmes développés par ces mêmes humains. Ils peuvent conduire à des erreurs sans danger comme à des effets beaucoup plus graves, suivant la portée et le champ d'utilisation de l'implémentation de ces algorithmes.

Nous faisant toujours visiter son monde et sa façon de le voir, Aurélie aborde également le sujet de l'IA (Intelligence Artificielle). Et sur ce sujet, elle ne mâche pas ses mots. Le manque de maîtrise par ceux qui sont censés réguler leurs utilisations est rudement dénoncée. Sont dénoncés également les leaders actuels, des géants de WEB, pionniers de l'IA qui selon elle sont déconnectés de la réalité, trop souvent enfermés dans une bulle. Ces deux principaux éléments, avec quelques autres, sont selon elle la cause d'une incompréhension d'une bonne partie du public (non spécialistes du domaine), alimentant les fantasmes des uns et des autres sur la singularité et la perte de contrôle des machines.

Elle est sur ce point, catégorique : pour elle, les machines ne sont pas, et ne seront sans doute jamais autonomes. Tout en annonçant un futur de plus en plus teinté d'IA et d'algorithmes, elle s'acharne dans le même temps à démystifier l'intelligence artificielle et à détruire l'image de futur Frankenstein que beaucoup s'en font. Pour répondre à ceux craignant de perdre le contrôle de leur vie au profit d'une IA devenue toute puissante, elle répond que "le choix appartiendra à ceux qui comprennent" .

Elle conclut donc l'ouvrage en expliquant la raison de son écriture. S'adressant justement à tout un chacun, elle propose de rendre le plus transparent possible la discipline qui ne doit plus être méconnue et incomprise du public. "Mieux on comprend le miroir, mieux on pourra juger du monde virtuel qu'on nous propose, et pas seulement le subir" , c'est ainsi qu'elle résume le sens de son engagement à écrire ce livre ; et le nôtre à le comprendre.

Ouvrage à mettre donc dans les mains de toute personne souhaitant s'immerger dans des cas concrets d'application des algorithmes, pour comprendre leurs utilités, leurs limites et le rôle qu'ils pourront jouer à l'avenir, notre avenir.

badreddine.chaaban
mar 2020

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